Vent

Vent « déplacement de l’air s’effectuant surtout horizontalement et qui tend à atténuer les inégalités du champ de pression atmosphérique ».

L’île est tout entière bousculée par le vent qui vient de la terre. La lande cède sous son passage, s’écrase encore un peu plus. Le monde du dessous fait silence. Un passereau égaré cherche un abri, il lance des cris, aussitôt ensevelis par une nature déchainée.

Le chemin envahi par les ronces, dessine déjà la cueillette de mûres de cet été. La maison ne se dévoile qu’au dernier moment.

Le chêne du père oscille dangereusement, vers le faîte du toit. Personne ne s’est résolu à l’abattre malgré l’ampleur de ses branches. Il fait ami avec les noisetiers et pruniers qui s’obstinent, malgré les coupes répétitives, à se réinstaller sous l’ombre de l’arbre centenaire. La table sera installée et les grandes tablées pourront reprendre.

La cabane aux oiseaux s’en sort miraculeusement, encore un hiver à faire vivre le travail du père. Les pinceaux seront bientôt à l’œuvre, et elle fera peau neuve. Des fougères ont élu domicile à son pied. Elles sont  happées par le vent, mais ces nouvelles arrivantes savent y faire. Elles  sont chez elles, ici, sur cette terre de bruyères.

Le fil à linge s’entortille autour du grand sapin, comme une guirlande oubliée. Il faudra le retendre, comme la mère étendait le linge. Une pince à linge dans la bouche, une plongée dans la bassine, deux mains vigoureuses, les draps claquant au vent.  Ca va sécher.

Les vieux rosiers souffrent, ils sont pourtant à l’abri de la maison, le vent  les maltraite. Ils ont l’habitude de se débrouiller seuls, depuis que la maison n’est plus habitée à l’année. Ils ne s’en laissent pas compter, et l’été les voit déployer des pétales de velours. Une main viendra régulièrement cueillir une rose, qui trouvera sa place dans le vase, sur la table de la cuisine.

L’approche vers la maison s’effectue au pas de charge, la pluie est venue mettre son grain de sel, les rafales de vent s’amplifient. Un volet bat de l’aile et l’on aperçoit les rideaux choisis par la mère.

Elles sont agglutinées toutes les trois, devant une porte qui refuse pour l’instant de s’ouvrir. Un parapluie rend l’âme, les kaways ne retiennent plus l’eau, les pieds nagent au fond des bottes. La porte finie par céder, les sœurs s’engouffrent dans la maison, le vent referme violemment la porte.

L’enfance est là, le temps comme suspendu.

Juste profiter avant que la maison ne soit vendue.

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  • Post published:22 septembre 2023